La hausse du prix des carburants a provoqué un mouvement de protestation important concrétisé dans l'annonce d'une journée de blocage de circulation ce samedi 17 novembre.

Ce mouvement suscite les interrogations et le commentaire suivants d'Eric Fournier, président de la communauté de communes de la vallée de Chamonix-Mont-Blanc et vice-président du conseil régional Auvergne Rhône-Alpes délégué à l'environnement, aux énergies et au développement durable :

«Il ne faut pas se méprendre sur ce qui se joue cette semaine en France sur fond de contestations des "gilets jaunes" et de réponses plus ou moins coordonnées du gouvernement sur la fiscalité verte.

Si on ne peut qu’être abasourdi par les erreurs de communication auxquelles nous assistons, il ne s’agit pas là d’un chantier parmi d’autres, d’une réforme à intercaler entre celle de la SNCF et celle des retraites...

Ce devrait être la «mère des réformes» du gouvernement pour les prochaines années ! A mener avec une vision «globale». Avec une stratégie fiscale d’ensemble intégrant en équivalence et en transparence des baisses d’impôts ou des incitations fiscales concrètes pour les particuliers et notamment les plus précaires, concernés tant par la fiscalité des carburants que par la rénovation de leur logement.

Alors même que le sens et le bien-fondé d’une fiscalité écologique semblent être admis par le plus grand nombre, pourquoi cette nécessaire évolution doit-elle être assimilée à une taxation supplémentaire? Il faut au contraire que la vertu soit récompensée, qu’elle soit individuelle ou collective, qu’elle soit portée par les entreprises ou les collectivités… Détaxons les comportements particuliers et les investissements privés qui concourent à décarboner notre environnement et notre économie ! N’est-il pas temps de changer de perspective et de promouvoir réellement une écologie incitative, le principe «prévention-exonération» n’est-il pas le préalable avisé à celui du «pollueur-payeur»?

Questionné le mois dernier lors de son déplacement en Haute Savoie sur ses intentions en matière de fiscalité en faveur de l’économie circulaire, Édouard Philippe m’avait répondu ne pas pouvoir aller plus loin de peur des «effets de bord»… Mais à craindre les «effets de bord», nous allons droit vers le tsunami climatique !

La nécessaire mutation de notre modèle de production exige sans délai cette réforme de la fiscalité. Celle-ci doit s’appuyer sur quelques principes et idées claires :

-Pas d’augmentation globale des prélèvements et diminution de la pression fiscale pour les particuliers et les entreprises en contrepartie des investissements réalisés.

-Transparence des flux financiers consacrés à la transition énergétique - ce qui est loin d’être le cas actuellement, l’État n’affectant qu’une partie des prélèvements à cet objectif: en clair, l'État doit s'engager dès son budget 2019 à ce qu'un euro de fiscalité ou contribution écologique procure un euro de crédit public en faveur de la transition énergétique.

-Partage des bénéfices de la taxation du carbone avec les financeurs de la transition énergétique (intercommunalités, régions) : car l'ampleur des investissements requiert une répartition des crédits sur le territoire, sachant que chaque échelon est acteur de cette transition et que les besoins sont considérables pour assurer concrètement la transition écologique, que ce soit notamment en matière de rénovation énergétique du bâti ou de modernisation des réseaux de transport.

La pédagogie, dont il est beaucoup question dans cette affaire, doit s’appuyer sur des actes. À cette condition, nul doute que tous, citoyens, entreprises, collectivités sauront s’engager pour le changement de modèle que nous impose la crise écologique actuelle».